L’ensemencement artificiel des nuages : ce qu’il faut savoir

Le ministre de l’Agriculture, Ezzeddine Ben Cheikh, a annoncé le lancement officiel de la première expérience tunisienne d’ensemencement artificiel des nuages, réalisée le 16 avril 2025 dans le bassin du barrage de Sidi Salem. Cette initiative pionnière s’inscrit dans le cadre des efforts nationaux pour faire face à la crise de l’eau, exacerbée par les changements climatiques et la raréfaction des précipitations.

Puis dans une déclaration accordée aux médias le lundi 12 mai 2025, le ministre a précisé que cette opération avait été menée en coordination avec le ministère de la Défense nationale et celui du Transport. L’objectif principal est de stimuler artificiellement les précipitations afin de renforcer les ressources hydriques du pays. L’évaluation technique et environnementale de cette expérience est actuellement en cours.

Qu’est-ce que l’ensemencement des nuages ?

Également connue sous le nom de « pluie provoquée », la technique d’ensemencement des nuages consiste à introduire dans l’atmosphère des substances telles que l’iodure d’argent ou la glace sèche (CO₂ solide) afin de favoriser la condensation de la vapeur d’eau et stimuler ainsi la formation de pluie. Cette méthode, développée pour la première fois en 1946 par les chercheurs américains Vincent Schaefer et Bernard Vonnegut, repose sur la transformation des gouttelettes d’eau surfondues en cristaux de glace, ce qui accélère le processus naturel des précipitations.

L’iodure d’argent, en particulier, agit comme un noyau de congélation. Grâce à sa structure cristalline proche de celle de la glace, il permet aux molécules d’eau de s’aligner et de geler plus rapidement, formant des gouttes suffisamment lourdes pour tomber sous forme de pluie.

Cette première opération d’ensemencement intervient alors que les niveaux de remplissage des barrages tunisiens demeurent préoccupants. Selon les données publiées par l’Observatoire national de l’agriculture, le taux de remplissage des barrages atteignait seulement 36,5 % au 16 avril 2025. À ce jour, la Tunisie compte 37 barrages en exploitation, tandis que 4 sont en cours de construction et 5 autres programmés.

Malgré cette situation, le ministre a souligné une amélioration notable par rapport à l’année précédente avec une hausse de 130 millions de mètres cubes dans les réserves d’eau des barrages a été enregistrée. Il a également rappelé l’importance des projets d’efficacité énergétique engagés par son département, notamment la production d’électricité à partir des barrages pour alimenter les stations de pompage.

Précisions importantes :

L’ensemencement des nuages est une technique de modification météorologique à petite échelle, bien encadrée et surveillée. Contrairement aux théories du complot, il ne s’agit pas de produire des "chemtrails" ces traînées blanches visibles dans le ciel sont en réalité des contrails, des cristaux de glace créés naturellement par la condensation de la vapeur d’eau provenant des moteurs d’avions en haute altitude. Il ne s’agit pas non plus d’une forme de géo-ingénierie à grande échelle, mais plutôt une méthode utilisée pour augmenter les précipitations dans des zones ciblées. Cette technique utilise principalement de l’iodure d’argent (AgI), une substance stable et non toxique dans l’environnement, contrairement à d'autres formes ioniques d'argent qui peuvent être nocives. L’iodure d’argent ne se décompose pas dans l’eau et retombe simplement au sol comme une particule inoffensive, semblable à celles qu’on trouve naturellement dans la terre.

Enfin, bien que l’ensemencement ait été utilisé à des fins militaires pendant la guerre du Vietnam, son usage à des fins hostiles est désormais interdit par une convention internationale signée en 1977.

Aujourd’hui, l’utilisation de la modification du climat à des fins militaires est strictement interdite. Cette convention a été approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 31/721 du 10 décembre 1976. Conformément au paragraphe 2 de ladite résolution, le Secrétaire général a décidé d’ouvrir la Convention à la signature et à la ratification des États du 18 au 31 mai 1977 à Genève, en Suisse. Par la suite, la Convention a été transmise au siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, où elle est restée ouverte à la signature des États jusqu’au 4 octobre 1978. La Tunisie a ratifié la Convention le 11 mai 1978.

R.A.